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7 octobre 2015

L'abbatiale de la Trinité de Fécamp

FecaTrin_EXT07La longueur de la collégiale la transforme en un véritable vaisseau dans la ville 0

L'abbatiale de la Trinité de Fécamp est l'une des plus importantes églises de Normandie. D'abord par la taille : 127 mètres de long, autant que la cathédrale de Paris ; ensuite par les richesses qu'elle contient, notamment en ornementations Renaissance ; par le rayonnement culturel de l'abbaye sur toute la région ; enfin parce qu'elle a servi de référence à des dizaines d'églises normandes pendant plusieurs siècles.
Tout commence avec saint Waninge qui fonde à Fécamp un monastère de moniales vers 658. Le bâtiment est détruit par les Vikings au IXe siècle. En 911, avec le traité de Saint-Clair-sur-Epte, Rollon devient premier duc de Normandie. Les anciens vikings deviennent constructeurs et organisateurs. Richard Ier fait construire une église en face du palais ducal. Elle est consacrée en 990. Son fils Richard II y fait venir Guillaume de Volpiano, jusque-là à Cluny. Depuis l'abbaye commence alors la reconquête monastique de la Normandie. Le pélerinage du Précieux Sang amène de nombreux pénitents. Se révélant trop petite, Guillaume de Ros, troisième abbé de Fécamp, dirige la construction d'un plus plus vaste édifice : une église romane, qui est consacrée à la Sainte-Trinité en 1106. Détruite par un incendie en 1168, il n'en reste que deux chapelles rayonnantes dédiées à saint Pierre-et-saint Paul et à saint Nicolas dans le déambulatoire nord.
Grâce aux puissants moyens financiers de l'abbaye, Henri de Sully, abbé de 1140 à 1188, entreprend la construction d'un nouvel édifice, gothique celui-là. Il sera achevé par son successeur Raoul d'Argences (abbé de 1190 à 1219). La construction rapide (cinquante ans) garantit une unité de style. Les travaux des siècles suivants ne modifieront pas son allure générale : tour-lanterne ajoutée vers 1250, suppression des tribunes du déambulatoire, nouvelle chapelle axiale en gothique flamboyant vers la fin du XVe siècle, clôture des chapelles en style Renaissance, etc.
À la Révolution, l'abbaye est fermée, les moines sont dispersés, les biens monastiques vendus ou détruits. L'église devient paroissiale en 1803. Les bâtiments qui entourent l'ancien cloître accueillent l'hôtel de ville. En 1840, l'abbatiale de la Trinité à Fécamp fait partie du premier inventaire des monuments historiques français.

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Il existe assez de vestiges du chœur du premier édifice roman de l'abbé Guillaume de Ros pour comprendre qu'il était entouré d'un déambulatoire sur lequel s'ouvraient des chapelles rayonnantes. Il nous en reste deux : la chapelle Saint-Pierre-et-Saint-Paul et la chapelle Saint-Nicolas, toutes deux du côté nord. L'édifice fut consacré en juin 1106. L'archevêque de Rouen, Guillaume Bonne-Ame, consacra la pierre du grand autel ; Serlon, évêque de Séez, celle de la chapelle Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Les sources nous apprennent que ces pierres existaient toujours en 1740. Après l'incendie de 1168 qui dévasta l'église presque entièrement, on doit à l'abbé Henri de Sully la reconstruction du chœur (moins les parties épargnées par l'incendie), du transept (moins la tour-lanterne) et de la dernière travée de la nef (ou la première si l'on compte à partir du chœur). Toute cette partie de l'église appartient au style gothique de la seconde moitié du XIIe siècle. Cette reconstruction s'est achevée en 1187, année de la mort de l'abbé de Sully. On est peu renseigné sur la construction des quatre travées suivantes (début du XIIIe siècle). On sait en revanche que les cinq dernières travées, d'un gothique plus affirmé, et la façade sont l'œuvre de l'abbé Raoul d'Argences.
 
On sait que le jubé de l'abbatiale fut construit entre 1420 et 1504 et qu'il était monumental. Il disposait d'une galerie supérieure où pouvaient s'assembler plus de trente musiciens et choristes. Mais on n'en possède aucune représentation. Beaucoup de jubés furent détruits dès le XVIIIe siècle : les chanoines étaient souvent impatients de dégager la perspective du chœur pour donner tout son éclat à la brillance des cérémonies. Le jubé de Fécamp ne fut détruit qu'en 1803. Dès qu'il reçut l'arrêté préfectoral, l'abbé de l'époque,un dénommé de Valville, s'empressa de le faire casser en une nuit à coups de masse pour mettre les Fécampois, soucieux de sa conservation, devant le fait accompli. Il en reste des morceaux épars. Les principaux sont dans le transept nord. Les bas-reliefs à droite, avec des angelots tenant un écusson, sont les anciens frontons des portes des chapelles rayonnantes nord.

FecaTrin128Le baptême du Christ

Le bas-relief du baptême du Christ a été exécuté sur bois par le sculpteur havrais Haumont en 1830. À cette époque, Le Havre et ses chantiers navals réputés comptaient une remarquable industrie de sculpture sur bois : les navires se devaient d'arborer de belles figures de proue.
Le baptême du Christ est un panneau très travaillé : la scène se déroule sur un fond de montagnes, de plantes et de palmiers.
La chaire à prêcher et le banc d'œuvre, réalisés par le sculpteur de Louvain, Goyers, datent de 1883. La chaire, typique du style néo-gothique, très à la mode au XIXe siècle, affiche une statuaire impressionnante. Sur le socle, on trouve le Christ, les évangélistes et saint Grégoire-le-Grand. Sur la cuve : six apôtres. Sur les rampes : des saints et des docteurs de l'Église. L'abat-son n'est pas en reste : des petites niches abritent des statuettes personnifiant les vertus chrétiennes. Cette belle chaire à prêcher fut très admirée lors de l'Exposition des Beaux-Arts du Palais de l'Industrie à Paris en 1883.
Les trois verrières du chœur sont l'œuvre d'Arnoult de Nimègue, maître-verrier hollandais, au début du XVIe siècle. On sait qu'il a travaillé à Rouen entre 1500 et 1512, notamment à l'abbatiale Saint-Ouen et à l'église Saint-Godard. Ses trois verrières de Fécamp représentent, à droite, sainte Suzanne, richement habillée sous un luxueux dais semi-circulaire. À gauche, saint Taurin, vêtu d'une chasuble bleu et or. Au centre, la représentation de la Trinité, la moins belle des trois, est celle que l'on voit le moins. À noter qu'est posé sur le giron de sainte Suzanne un bijou au bout d'une chaîne. Ce bijou est «monté en chef d'œuvre» (morceau de verre totalement enchâssé dans le vitrail et qui demeure la griffe des meilleurs maîtres). Ce bijou bleuté est bien visible sur l'image à droite où il est cerclé d'un trait noir.

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Le chœur de l'abbatiale est l'œuvre des moines mauristes au XVIIIe siècle, lorsque Montboissier de Canillac, noble attaché au service du roi Louis XV, était abbé (de 1745 à 1761). Le réaménagement du chœur fut conduit de 1747 à 1751 : disparition des clôtures Renaissance, baldaquin, nouveau maître-autel et nouvelles stalles.
Le baldaquin de style rocaille, réalisé par De France, a le fâcheux inconvénient de cacher les vitraux d'Arnoult de Nimègue. Néanmoins, son bois doré resplendit d'angelots et de guirlandes de fleurs.
Le maître-autel en marbre blanc, commandé par l'abbé Bohier au Gênois Girolamo Viscardo en 1507, est remarquable par ses bas-reliefs. Au niveau médian, on trouve cinq panneaux représentant la Trinité, la Pentecôte, le Baptême du Christ. Aux extrémités, les ducs de Normandie Richard Ie et Richard II. Malheureusement, comme on le voit sur une photo plus bas, ces sculptures sont à moitié cachées par un crucifix et six candélabres, disposés sur l'autel juste devant... Au-dessus (et cette fois bien visible depuis le chœur et la chapelle de la Vierge), une châsse reliquaire en marbre de Carrare, du début du XVIe siècle aussi, montre les douze apôtres, chacun dans une niche coquillée. La châsse est entourée des statues de sainte Suzanne et de saint Taurin, également du XVIe siècle. Au-dessus, un Christ doré portant sa croix en taille réelle. Les stalles datent de la même époque : 1750. Les quatre stalles d'honneur sont toujours en place et présentent un très beau travail de sculpture sur bois. Écussons, vertus cardinales, symboles de la Trinité et de la Justice divine embellissent ce beau mobilier d'église (voir l'une des stalles d'honneur plus haut). Les blasons qui ornaient ce mobililer et qui rappelaient les abbés et les nobles qui avaient dirigé l'abbaye ont été mutilés à la Révolution. Les dorsaux des stalles et leurs sculptures d'évêques, de rois et de saints ont été déposés en 1802 dans la chapelle de la Vierge.
Source : «L'abbatiale de la Trinité de Fécamp» de David Bellamy et Françoise Pouge, Charles Corlet Éditions

FecaTrin136La tour-lanterne culmine, à l'intérieur, à 37 mètres

L'architecture de la tour-lanterne. La tour-lanterne du XIIIe siècle est de style gothique normand. Elle est haute de 37 mètres à l'intérieur et de 60 mètres à l'extérieur. Son architecture tourne autour du chiffre 3, symbole de la Trinité.
On voit bien la présence de ce chiffre 3 sur la partie intérieure. Les quatre murs sous la voûte sont partagés en trois arcades. Le premier niveau est à son tour divisé en trois fenêtres aveugles de mêmes dimensions, tandis que chacun des trois compartiments du niveau supérieur (qui reçoit la retombée d'ogives) se caractérise par une grande fenêtre entourée de deux petites arcades aveugles.
Plus amusants sont les grotesques au bas du premier niveau. On peut en voir un reproduit ci-dessus à droite. Une paire de jumelles est indispensable pour les observer.  

C'est dans le transept nord que l'on trouve le plus d'éléments mutilés de l'ancien jubé. Ainsi les deux groupes d'orants de part et d'autre de l'autel du Calvaire, mais surtout un assemblage de sculptures (scellées entre elles) dans un enfeu. On peut y voir des moines, une Vierge à l'Enfant, le Père Céleste, le Christ ressuscité, le Christ tenant sa croix, etc. 

14249790Horloge astronomique 1667 (phase de la lune et forces des marées)

L'horloge de 1667, œuvre d'Antoine Bessac, est un monument en soi. Elle donnait l'heure aux moines pendant leurs prières, mais aussi à la population à l'extérieur puisqu'un mécanisme savant la reliait aux cloches.
Elle possède en plus une particularité tout à fait remarquable : la portion de cercle à côté de l'ange timonnier change de couleur selon la marée! (Voir l'image en bas à gauche.) Elle est verte à marée haute et noire à marée basse.
Tout le mécanisme de l'horloge est resté manuel. Les tentatives d'électrification sont restées vaines.

Architecture. Plus apparent encore qu'au transept nord, le transept sud brille d'une magnifique symétrie ternaire : division en trois travées, division horizontale en trois étages, chacun d'entre eux ouvert de trois lancettes en arc brisé. Les trois étages ne se tiennent pas dans le même plan vertical : le rez-de-chaussée est prolongé par la chapelle des Fonts baptismaux qui abrite les tombeaux des ducs Richard Ier et Richard II.. Le transept sud contient quelques très belles œuvres d'art de la Renaissance qui sont  la Dormition (groupe sculpté polychrome de 1495) surmontée de l'Assomption, orants appartenant à l'ancien jubé et vitraux (dont des réemplois de verrières de l'église Saint-Léger disparue).

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La Dormition de la Vierge. On ne possède aucun document certifiant la date d'exécution de la dormition de l'abbatiale de Fécamp. Une tradition orale rattache l'œuvre à l'année 1495 (date de la commande par le prieur Robert Chardon). De même, le sculpteur en est inconnu. Certaines sources optent pour l'artiste rouennais Pierre des Aubeaux. Au niveau du style, cette œuvre a marqué son époque. Les personnages n'ont plus le caractère atemporel de jadis, figés dans la même attitude. Ils sont maintenant pleins de vie, exprimant des émotions différentes (recueillis, rêveurs ou angoissés), et vêtus comme au XVe siècle, parfois d'une manière recherchée. Cette œuvre (très parlante pour la mentalité médiévale) eut beaucoup de succès et l'on venait la voir de fort loin.
Le premier plan montre la Vierge, comme endormie. Le deuxième plan présente saint Jean, légèrement derrière, un apôtre portant la navette, puis saint Pierre au centre (qui lit une prière) et saint André à droite (qui souffle dans l'encensoir). Les sources divergent sur l'identité des personnages du troisième plan. Certains auteurs y voient le reste des apôtres (il est vrai que les personnages sont au nombre d'onze - Juda est absent). Pour d'autres, ce sont de simples spectateurs, des Fécampois recueillis ou regardant ailleurs.
À noter que cette sculpture magnifique a été mutilée à la Révolution. Des personnages ont été décapités (sans doute par des soldats du bataillon de Beauvais - voir l'abbatiale sous la Révolution plus haut). Il fut restauré par l'abbé de Valville (celui-là même qui fit détruire le jubé en 1803). Quatre têtes, qui n'ont pu être retrouvées, ont été remplacées, soit par des moulages, soit par des chefs venant d'autres groupes sculptés. Le personnage central du troisième plan, qui n'a pas grand-chose à voir avec les autres, est la tête d'un Laocoon. Le deuxième sur la droite serait le poète Posidippe. Entre les deux, le personnage portant un capuchon pourrait être Robert Chardon, le donateur.
Source : 1) «L'abbatiale de la Trinité de Fécamp» de David Bellamy et Françoise Pouge, Charles Corlet Éditions ; 2) «L'église de la Trinité de Fécamp» de Jean Vallery-Radot, éditions Henri Laurens.
Source : «L'abbatiale de la Trinité de Fécamp» de David Bellamy et Françoise Pouge, Charles Corlet Éditions

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Le pas de l'ange n'est qu'une partie d'une construction gothique datée de 1420. Elle est reliée à une légende : celle de l'origine du nom de l'abbaye. Alors que les gens étaient rassemblés en 938 pour savoir quelle dédicace choisir (on notait la présence du duc Guillaume Longue-Épée, de l'archevêque de Rouen, des chanoines, de la cour et des fidèles), la légende raconte qu'un vieillard, vêtu de blanc, fendit la foule et s'en fut droit vers l'autel. Là il déposa un couteau portant l'inscription : «au nom de la sainte et indivisible Trinité». Puis l'ange disparut dans les airs en laissant l'empreinte de son pied dans la pierre. Son message s'imposait de lui-même : l'abbatiale sera dédiée à la Sainte Trinité. Une part de cette légende est néanmoins l'expression d'une réalité. Les sources rappellent que, au Xe siècle, déposer un couteau sur l'autel servait à concrétiser la donation d'une terre à une église. Voir l'histoire du «Pas-de-Dieu» à l'église Sainte-Radegonde de Poitiers.

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Les chapelles du déambulatoire sud s'intègrent dans un environnement architectural exceptionnel. À la fin du XIIIe siècle, l'abbé Thomas de Saint-Benoît fit supprimer l'étage des tribunes, dégageant ainsi une magnifique perspective depuis le transept (voir photo plus bas). Depuis le transept, on aperçoit la chapelle axiale et ses grandes verrières, ce qui est très rare dans une église à chapelles rayonnantes. Les voûtes du déambulatoire et celles des chapelles sont au même niveau. Leur importante élévation est très élégamment soulignée par de fines colonnettes, enrichies de chapiteaux légers situés juste sous la retombée des voûtes afin de ne pas briser le bel effet d'élancement.
Les clôtures Renaissance de l'abbatiale apparaissent en 1517 sous le mécénat de l'abbé Antoine Bohier (1505-1519) et sont achevées par son successeur, Adrien Gouffier (1519-1523). Leur style est clairement italien. Il annonce la Renaissance à Fécamp. À une époque encore marquée par le gothique flamboyant, ces clôtures sculptées dans la pierre de Vernon ont dû en étonner plus d'un. Il est certain que, parmi les mains expertes qui les ont créées, il y avait des Français et des Italiens. Certains artistes avaient sans doute travaillé auparavant au château de Gaillon dans l'Eure. Les clôtures sont constituées d'un soubassement, puis d'une rangée de colonnes étroites ou courent des rinceaux et des ciselages. Au-dessus, un entablement, lui aussi gorgé de motifs Renaissance. Enfin, une claire-voie finement ciselée, fermée à son tour par un étroit entablement. À l'origine, les clôtures étaient peintes et dorées, mais elles furent débadigeonnées en 1842.
Que sont devenues les clôtures? Celles qui fermaient la chapelle axiale et le chœur ont été détruites lors des réaménagements du XVIIIe siècle. Les chapelles rayonnantes du côté nord n'ont plus de porte ni de claire-voie au-dessus des colonnes. Celles du déambulatoire sud sont entières (à condition qu'aucun étage supplémentaire ne les ait jamais surmontées). Cependant la pierre calcaire de Vernon d'où elles sont taillées en rend les ornementations très fragiles.
La chapelle des Saints-Patrons s'appelait autrefois la chapelle Saint-Jean-Baptiste. Elle a subi le vandalisme des soldats révolutionnaires. Les blasons du soubassement ont été martelés. Son ancienne dédicace est rappelée par les deux anges du fronton qui tiennent le chef de Jean-Baptiste. La chapelle a été dédiée aux Saints-Patrons lors de la pose des vitraux créés par l'atelier parisien Lusson en 1864.
L'autel est moderne (architecte Barthélémy, 1865). En revanche, la chapelle possède une belle piscine-crédence de la fin du XIIIe siècle.
Les vitraux de la chapelle, créés par l'atelier Lusson en 1864, représentent les patrons des anciennes paroisses de Fécamp. Le vitrail central représente la Cène et le Calvaire. Les vitraux de côté rappellent chacun quatre grandes figures. À gauche, saint Waning qui fonda l'abbaye au VIIe siècle, saint Nicolas, saint Léger et saint Benoît. À droite, les saints Fromond, Valéry, Thomas et Ouen. Rappelons que ces vitraux sont appelés vitraux-tableaux. Il n'y a pas de réseaux de plomb. Les artistes peignent sur du verre blanc, couleur par couleur. La cuisson fond ensuite la peinture dans la masse du verre.
La chapelle Saint-Joseph présente un vitrail Renaissance qui mérite attention. Le très beau remplage a été offert par l'abbé Antoine Bohier en 1518, mais la verrière du XVe siècle, créée avant le remplage, a été remise en place. On en ignore l'auteur, mais elle présente deux belles compositions de saint Jean et de saint Pierre, données un peu plus bas en gros plan. Le tympan est garni d'une multitude d'anges portant les instruments de la Passion ou des instruments de musique.

La première chapelle axiale remonte au XIIIe siècle, s'insérant dans les chapelles rayonnantes. En 1489, l'abbé Jean Balue décide de la faire agrandir. Pour ce faire, il faut d'abord ériger une salle basse car le terrain est très en pente et la nouvelle chapelle forme saillie hors les murs de l'enceinte du XIe siècle. La nouvelle chapelle de la Vierge est en style gothique flamboyant, inondée de lumière grâce à ses grandes verrières qui l'encerclent entièrement.
C'est en 1802 que les dorsaux des stalles prennent place dans la chapelle. On peut toujours y admirer le superbe travail que les ébénistes parisiens réalisèrent en 1750 : panneaux-pilastres somptueusement décorés de symboles religieux ou musicaux, médaillons affichant les visages de personnages de l'histoire sainte ou de figures marquantes de l'abbaye. Les vitraux de la chapelle de la Vierge datent de différentes époques, du XIIIe siècle au XVIe siècle, toujours des réemplois. Leur lecture est assez difficile, une partie est cachée par le retable. Cette page donne les vitraux Renaissance du côté sud et un du côté nord.

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L'abbaye de Fécamp a toujours développé une riche vie musicale. Elle possédait une école réputée où les humanités exigeaient, là comme ailleurs, l'apprentissage de la  musique. Des concerts étaient donnés par des clercs ou des musiciens profanes (souvent les mêmes - il suffisait de changer d'habit). C'est pourquoi les motifs musicaux sont nombreux dans la décoration de l'abbatiale, à commencer par les stalles.
 

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Le panneau à gauche est assez étonnant. Dans la partie supérieure, on y voit des grappes de raisins qui alimentent deux cylindres posés sur une table. Ces cylindres semblent agir comme des pressoirs. Tandis que, plus bas, un vase pourrait recueillir le jus de raisin. Est-ce une (très belle) allégorie du pressoir mystique, le vase recevant le sang du Christ, symbolisé par le fruit de la vigne? Voir le pressoir mystique à la cathédrale de Troyes.
Le tabernacle du Précieux Sang a été commandé par l'abbé Bohier en 1507 au sculpteur gênois Girolamo Viscardo. Il est fait en marbre sur le modèle des tabernacles florentins du XVe siècle. Il y a plusieurs légendes à l'origine de la présence du prétendu sang du Christ dans cette relique. La principale affirme qu'elle contient le sang qui a coulé de ses plaies quand Joseph d'Arimathie et Nicodème ont descendu son corps de la croix. Cette légende, tirée des écrits apocryphes, nous apprend que Nicodème, à la fin de sa vie, donna le dépôt de ce sang à son neveu Isaac. Quand les Romains envahissent la Judée, Isaac s'enfuit à Sidon. La relique, mise à l'abri dans deux tubes de plomb, est enfouie dans le tronc d'un figuier. Peu après, Isaac livre le tronc à la mer, Dieu lui ayant dit de ne pas s'inquiéter car le tronc touchera terre à l'extrémité de la Gaule. Une fois sur le rivage de Fécamp, il est découvert par un Gaulois, nommé Bozon venu évangéliser le pays de Caux. C'est le point de départ d'une légende qui, depuis le XIIe siècle, a fait affluer de très nombreux pélerins à l'abbatiale. Les fruits du figuier assurent la prospérité de la famille, mais personne n'arrive à l'ôter de l'endroit où il se trouve. Plus tard, un étranger le fait, traîne l'arbre sur une charrette, mais l'attelage se brise. C'est à cet endroit que fut érigée l'abbaye..

C'est dans le déambulatoire nord que se trouvent les seuls vestiges de l'église romane de Guillaume de Ros consacrée en 1099. Après l'incendie de 1168 ne subsistaient plus que la chapelle Saint-Pierre-et-Saint-Paul et, tout à côté, la chapelle Saint-Nicolas. On peut y ajouter une arcade avec ses piliers et une tribune dans le chœur. Ces vestiges sont néanmoins suffisants pour que les amateurs d'art roman et les architectes d'art puissent se représenter l'élévation du XIe siècle dans les chapelles rayonnantes. Mieux encore, ils peuvent reconstituer le chœur ancien : l'église de Guillaume de Ros était pourvue d'un large déambulatoire qui donnait accès à des chapelles rayonnantes alternativement rondes et carrées. Les sources nous indiquent que, à l'abbaye de Jumièges, autre grande abbaye de Normandie, le déambulatoire n'avait pas de chapelles rayonnantes et qu'il servait de simple galerie de circulation.
C'est aussi dans les chapelles nord de l'abbatiale de la Trinité que les déprédations de la Révolution ont été les plus nombreuses. Les chapelles n'ont plus de claire-voie, les portes n'ont plus de frontons. Certains d'entre eux, qui ont néanmoins subsisté, sont exposés sous les fenêtres du bas-côté sud. 
 
La chapelle Saint-Nicolas existait déjà au temps de l'église romane. L'un de ses points remarquables est la voûte en cul-de-four qui surplombe le retable du XVIIe siècle caractérisé par deux superbes colonnes sculptées de pampres et d'oiseaux picorant les grains de raisin. La frise de l'entablement est la copie des décors de l'hôtel de Bourgtheroulde à Rouen.
Au niveau des sculptures Renaissance, la chapelle Saint-Pierre est l'une des plus riches de l'abbatiale. L'encadrement de la porte, embelli de deux angelots musiciens, est somptueux. La frise de l'entablement resplendit d'un bas-relief de rinceaux et d'animaux. En revanche, le retable de la fin du XVIIIe siècle est plus chiche. La peinture de saint Pierre, que l'on voit au-dessus de l'autel, est l'œuvre d'un membre de la fabrique, Jules Courseaux, au XIXe siècle.

L'abbatiale au XIXe siècle. Entre le Concordat de 1801 et la loi de Séparation de l'Église et de l'État de 1905, l'église paroissiale de la Trinité est gérée, de par la loi, par un conseil de Fabrique. Les sept membres en sont le maire de Fécamp, le curé de la paroisse, trois personnes choisies par l'archevêque de Rouen et deux autres désignées par le préfet du département de la Seine-Inférieure. L'abbatiale est vaste. Les dépenses de restauration et d'entretien sont importantes. Les revenus viennent de la location des bancs, de rentes, de legs, des quêtes, des produits des troncs, des souscriptions et donations. En 1840, l'édifice est classé monument historique, on peut donc faire appel à l'État pour les gros travaux. Néanmoins, c'est la générosité des paroissiens qui permet l'essentiel de l'embellissement. Ainsi, en 1883, le président du conseil de Fabrique offrit rien moins que la chaire et le banc d'œuvre, une grille, la verrière occidentale, l'orgue néo-gothique du chœur, un confessionnal et des ornements.
Guillaume de Volpiano naît vers 962. Il est fils de comte et devient moine. Maïeul, l'abbé de Cluny, fait appel à lui pour aider à la diffusion de la réforme clunisienne. En 990, il devient abbé de Saint-Bénigne à Dijon, puis d'une cinquantaine d'autres monastères. Il accepte la charge d'abbé de Fécamp en 1001 parce qu'on lui a donné la garantie que l'abbaye serait indépendante de tout pouvoir laïc. C'est là un des points-clés de la gestion clunisienne : la réforme est impossible si les Grands gèrent les affaires des abbayes. De fait, les ducs de Normandie jugent son action et lui octroient le privilège de l'Exemption en 1006, garantie de l'indépendance.
Sous son abbatiat, Fécamp va briller d'une nouvelle dimension culturelle. Le chant grégorien est restauré. De nombreux moines, formés à la règle de Saint-Benoît, s'en iront gérer les abbayes de Normandie (Rouen, Jumièges, le Mont Saint-Michel, Bernay, Évreux) ou deviendront évêques. Guillaume de Volpiano a passé peu de temps à Fécamp, mais il y meurt le 1er janvier 1031. L'Église catholique l'a proclamé «Bienheureux».
En 1879, on transféra dans son mausolée les restes du dernier abbé de Fécamp mort en 1848.
 

La clôture de la chapelle Sainte-Madeleine est la plus ancienne de tout le déambulatoire. C'est par elle que commença l'embellissement des chapelles rayonnantes voulu par l'abbé Antoine Bohier au début du XVIe siècle. L'embellissement Renaissance des chapelles sud fut pris en charge par son successeur. On y trouve quelques décors gothiques notamment près du etable de la fin du XVe siècle. Sous ce retable, un autel néo-gothique a été installé (partiellement caché par un drap). La statue polychrome de sainte Madeleine est, elle aussi, du XVe siècle. On trouve également une belle sculpture du XVe siècle dans un cul-de-lampe près du retable : c'est un vieillard barbu qui porte un phylactère
Les sources nous apprennent qu'un orgue existait déjà à Fécamp au XIe siècle. Cet instrument, évidemment peu pratique et qui nécessitait la force de plusieurs hommes, ne passa pas le cap de la Révolution. En 1803, on installa dans l'abbatiale l'orgue et le buffet du monastère des Bénédictines de Montivilliers qui dataient eux-mêmes de 1746. Le buffet fut adapté à la façade. L'instrument fut entièrement refait par Cavaillé-Coll, puis inauguré en 1883. Charles Gounod, qui composa à Fécamp son Ave Maria, joua sur cet orgue.
La terre cuite ci-dessus (première moitié du XVIIe siècle) illustre le martyre de saint Clair. Elle est située au-dessus de la porte qui ouvre la sacristie. Clair est un Anglais de Rochester venu évangéliser la Normandie au IXe siècle. On voit, à gauche, la scène de sa décapitation. Au centre, le saint porte sa tête avant de s'élever au Paradis. À droite enfin, saint Cyprien et un pélerin l'invoquent dans leurs prières.
Le retable de la chapelle Saint-Martin attire l'attention par ses contrastes. Entouré de fleurs, le bas-relief montre un saint Martin portant une chasuble, assisté derrière lui de trois clercs en aube. Ceux-ci portent la mître, la crosse et l'encensoir. Les décors du bas-relief sont dorés. Les personnages sont en blanc ou en gris, tandis que les visages sont de teinte naturelle.

Diaporama

http://nanienormandie.canalblog.com/albums/l_abbatiale_de_la_trinite_de_fecamp/index.html

 

 

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